Le Marais Audomarois, situé près de Saint-Omer dans le Pas-de-Calais, est un site naturel unique en France. Ce paysage verdoyant, façonné par l’homme, est parcouru de multiples canaux, ou « watergangs », où l’eau joue un rôle central. Depuis des siècles, les habitants du marais ont développé une manière de vivre en harmonie avec ce milieu aquatique, notamment grâce à l’utilisation de bateaux traditionnels en bois de chêne : les escutes et les bacôves. Bien que ces deux types de barques soient des emblèmes de la région, ils présentent des différences notables tant dans leur conception que dans leur usage. Cet article propose de plonger dans l’histoire et les particularités de ces deux bateaux emblématiques du Marais Audomarois.

L’escute et le bacôve : les origines et le contexte historique

Le Marais Audomarois, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en tant que Réserve de biosphère, est un véritable labyrinthe aquatique. Ses 700 kilomètres de canaux et ses 3 700 hectares en font un lieu où l’eau est omniprésente. Pour se déplacer, travailler la terre et transporter des marchandises, les habitants ont longtemps compté sur les escutes et les bacôves, deux types de bateaux à fond plat adaptés aux eaux peu profondes du marais.

Ces bateaux sont construits en bois de chêne, un matériau choisi pour sa robustesse et sa résistance à l’eau. Le chêne, abondant dans la région, a longtemps été l’essence préférée des charpentiers locaux pour fabriquer ces embarcations. La construction de ces bateaux nécessite un savoir-faire artisanal, transmis de génération en génération. Chaque bateau est le fruit d’un travail minutieux, où chaque planche est ajustée pour assurer l’étanchéité et la solidité de l’embarcation.

L’Escute : La Barque Polyvalente du Marais

L’escute est sans doute la plus connue des deux embarcations. C’est une barque à fond plat, de taille modeste, généralement entre 4 et 6 mètres de long. Sa largeur varie autour de 1,5 à 2 mètres, ce qui en fait une embarcation relativement stable et maniable. L’escute est traditionnellement utilisée pour des tâches quotidiennes, comme se déplacer d’une parcelle à l’autre, transporter des outils agricoles, ou encore pêcher.

L’une des caractéristiques principales de l’escute est sa simplicité de conception. Son fond plat permet de naviguer dans les eaux peu profondes des canaux, tandis que ses bords relevés protègent des éclaboussures. L’escute est souvent équipée d’une paire de rames, mais elle peut aussi être poussée à l’aide d’une perche, appelée « batteler ». Ce mode de propulsion est idéal pour les zones où l’eau est particulièrement peu profonde.

L’escute se distingue par sa polyvalence. Elle est suffisamment légère pour être maniée facilement par une seule personne, mais elle peut aussi transporter une charge relativement importante pour sa taille. C’est cette polyvalence qui a fait de l’escute un outil indispensable pour les habitants du marais. De nos jours, l’escute est encore utilisée, bien que de plus en plus souvent pour des activités récréatives ou touristiques, comme les balades en barque.

Le Bacôve : Le Géant du Marais

La bacôve, quant à elle, est une embarcation beaucoup plus grande et robuste. Elle peut mesurer jusqu’à 12 mètres de long et 3 mètres de large, ce qui en fait une véritable barge comparée à l’escute. La bacôve est conçue pour transporter des charges lourdes et volumineuses, comme les récoltes de légumes, le foin ou encore des animaux.

L’histoire de la bacôve est étroitement liée à l’activité agricole du marais. Elle servait principalement à transporter les produits agricoles vers les marchés de Saint-Omer. En raison de sa grande capacité de charge, la bacôve pouvait être chargée de plusieurs tonnes de marchandises, ce qui était essentiel pour les agriculteurs qui devaient rentabiliser chaque voyage. Contrairement à l’escute, la bacôve nécessite souvent l’aide de plusieurs personnes pour être manœuvrée, et elle est équipée de bancs supplémentaires pour les rameurs ou de perches plus longues pour le « battelage ».

La bacôve est également utilisée lors des grandes occasions, comme les fêtes traditionnelles ou les événements communautaires, où elle peut servir de scène flottante ou de moyen de transport pour un grand nombre de personnes. Cependant, en raison de sa taille et de son poids, la bacôve est moins fréquente dans les petites exploitations agricoles du marais et est plus souvent associée aux grandes exploitations ou aux usages collectifs.

Bacôve et escute – différences techniques et usages

Les différences entre l’escute et la bacôve ne se limitent pas à leur taille et à leur capacité de charge. Ces deux types de bateaux répondent à des besoins différents, ce qui se reflète dans leur conception et leur utilisation.

Tout d’abord, la taille de l’escute la rend plus adaptée aux canaux étroits et sinueux du marais, tandis que la bacôve, plus imposante, est mieux adaptée aux canaux plus larges et aux zones où il est nécessaire de transporter de grandes quantités de marchandises. En outre, la bacôve est généralement plus stable que l’escute en raison de sa largeur, ce qui est un avantage lors du transport de charges lourdes, mais cela la rend aussi plus difficile à manœuvrer.

En termes d’utilisation, l’escute est le bateau de tous les jours, celui que l’on utilise pour les petites tâches quotidiennes, tandis que la bacôve est réservée aux grandes opérations de transport. Ce rapport complémentaire entre les deux embarcations a permis aux habitants du Marais Audomarois de s’adapter aux particularités de leur environnement et de développer une culture unique, centrée sur l’eau et le respect de la nature.

Pour conclure

L’escute et la bacôve sont bien plus que de simples bateaux en bois de chêne : elles sont le reflet d’un mode de vie ancestral, ancré dans le respect du marais et de ses ressources. Chacune de ces embarcations répond à des besoins spécifiques, et leur conception est le fruit d’un savoir-faire traditionnel, transmis à travers les générations. Aujourd’hui, alors que le Marais Audomarois continue d’attirer des visiteurs curieux de découvrir ses richesses naturelles et culturelles, l’escute et la bacôve demeurent des symboles vivants de l’ingéniosité humaine face aux défis de la nature.

A lire également

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *